Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 avril 2024 7 14 /04 /avril /2024 19:30
Mandala

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0
13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 19:35
L’ange et les six âges du monde

Diagramme. L’ange et les six âges du monde. (Adam et Ève, Moïse, Abraham, Noé, la nativité, L’église)

Matfre Ermengaud (Ermengaud de Béziers) troubadour biterrois de langue occitane mort en 1322.  ( La rédaction du Bréviaire fut commencée en 1288.). Date et lieu d’édition: 1301-1400 en Languedoc. Manuscrit en occitan ancien, enluminé sur parchemin. Format : 239 feuillets à 2 colonnes , 410 × 255 mm. Ancien possesseur Philippe de Béthune. (1561-1649). Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Français 9219.folio 52r.

L’ange et les six âges du monde

Par cet ange la divinité met en mouvement le temps et les âges du monde

Sous la forme d’une roue divisée en six parties, ce diagramme accompagnant un passage du Bréviaire d’Amor de Matfre Ermengaud reprend la division augustinienne de l’histoire. Le sens de rotation est antihoraire. Les six parties définissent six époques : la Chute et le Déluge ; Noé ; Abraham (sacrifice d’Isaac) ; Moïse (tables de la Loi) ; Salomon (Temple) ; et enfin l’ère de l’Incarnation (Vierge à l’enfant et scène de première communion).

Comme beaucoup de diagrammes du manuscrit, celui-ci adopte une forme circulaire, ici partitionnée en six panneaux. Ils sont distribués selon un sens de lecture rotatif anti-horaire pour figurer les six âges du monde, ici adaptés par l’auteur à partir de la description qu’en donne Augustin d’Hippone (De Genesi contra Machineos, I, 13-15 ; Cité de Dieu, XX, 23) : le premier âge du monde va de la Création (Adam et Eve en haut à gauche) à Noé (figurés avec ses vignes) ; le deuxième âge va de Noé à Abraham (le sacrifice d’Isaac, est figuré tout en bas) ; le troisième âge du monde va d’Abraham à Moïse (présenté avec les Tables de la Loi) ; le quatrième âge va de Moïse à Salomon (assis devant le Temple), et le cinquième, de Salomon au Christ. Le sixième âge du monde tout en haut va de la naissance du Christ jusqu’au Jugement dernier et figure le temps de l’Eglise.

La représentation du lieu de culte en haut de l’image est remarquable : son clocher s’élance par-delà le cercle et le cadre, et rompt avec le reste de la composition. La porte ouverte dans le clocher explicite ce en quoi consiste l’ordre nouveau instauré par le sacrifice du Christ, puisqu’elle permet de voir la célébration eucharistique à laquelle se joint un catéchumène, lors de sa première communion (c’est-à-dire lors de son entrée définitive dans l'église/Église). Malgré la circularité incarnée par le format d’une roue de fortune et évoquant la mutation à travers les âges, on comprend donc que le temps historique est orienté.

Outre cette dimension téléologique, le temps orienté vers le Salut est également segmenté et qualifié dans sa distribution historique : d’Adam et Eve jusqu’au sacrifice d’Isaac en bas, il correspond à un mouvement de chute, auquel succède un mouvement ascendant qui passe par Moïse, Salomon et s’achève avec la Vierge à l’Enfant et l’image de l’Église.

Au centre de l’image, le phylactère tenu par l’ange n’a pas reçu d’inscription, mais d’autres versions de l’œuvre renseignent sur le texte que l’on peut y trouver: « per est angel la deitaz munda los tems et las etats » (« par cet ange la divinité met en mouvement le temps et les âges du monde »). Il est ainsi rappelé que le mouvement de transformation du monde et des communautés qu’il contient sont l’expression de la volonté divine voire s’inscrivent, dès le départ, dans le plan providentiel du Créateur. Cette histoire des communautés passe en effet par une succession d’alliances entre Dieu et son peuple, toutes liées par une longue trame eucharistique : colombe, vigne, sacrifice du bélier, agneau sur l’autel et eucharistie finale.  

L’ange et les six âges du monde

Roue des âges du monde, Breviari d'amor, Londres, British Library, Ms Yates Thompson 31, fol. 77, dernier quart du XIVe siècle 
Le manuscrit Yates Tompson de la British Library contient une traduction catalane du Bréviaire d’amour, poème didactique catalan composé au XIIIe siècle par Matfre Ermengaud.

Cette composition encyclopédique de plus de 35000 vers est ici illustrée de nombreux diagrammes, c’est-à-dire de schémas qui permettent de donner à comprendre des concepts ou des éléments de dogme à l’aide de formes géométriques.

Le folio 77 comporte ainsi une représentation des six âges du monde.

Dans un sens antihoraire, on y observe successivement Adam et Eve après la chute, Noé auprès d’un pied de vigne, le sacrifice d’Abraham, Moïse et Aaron soutenant les tables de la Loi, Salomon désignant une idole, et enfin la Vierge à l’enfant trônant.

La représentation des âges du monde, héritée d’Augustin d’Hippone, condense en six étapes l’accomplissement du cheminement de l’humanité vers le salut.

Cette trajectoire est figurée par le mouvement descendant qui débute avec la chute entraînée par le péché originel, avant, à partir du quatrième âge, de repartir dans un mouvement ascensionnel qui s’achève avec la promesse de la rédemption qu’annonce le Christ enfant.

La succession chronologique des différents âges, qui a un point initial et un terme, suppose que c’est une histoire linéaire qui est ici figurée, en dépit de la circularité du diagramme.

Au centre, un ange porte un phylactère, où l’on peut lire l’inscription « par cet ange les âges et les temps sont mis en mouvement », rappelant que c’est par la volonté divine, exprimée par le Verbe, que se déploie le cours du temps.

C’est le plan providentiel divin qui oriente le temps historique, que scandent plusieurs moments de renouvellement de l’alliance, et qui culmine avec l’institution de l’Église figurée dans le compartiment du haut dans lequel un prêtre accomplit le rite eucharistique.


Rédaction
Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud

Télécharger l'ouvrage :

L’enseignement de saint Augustin contre les manichéens dans le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud

Lire, choisir, écrire - L’enseignement de saint Augustin contre les manichéens dans le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud - Publications de l’École nationale des chartes (openedition.org)

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0
12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 19:24
Quel langage pour dire la centralité du Christ pour l’Église ?

Je terminais mon blog précédent en insistant sur l’importance pour l’Église d’aspirer à vivre de la présence du Christ en elle.

La fête de Pâques, fête majeure du Christianisme, que nous venons de célébrer renforce cette exigence.

Qu’est-ce que cela veut dire pour l’Église de mettre le Christ à sa tête et d’en être le corps?

La question est d’importance si on veut rester cohérent avec la notion d’Église chrétienne.

Je n’apporte pas de réponse exhaustive, mais j’ouvre ici au questionnement et à la discussion, ce qui est le sens d’un blog.

Comment dire le Christ et sa centralité pour notre foi sans s’enfermer dans un discours convenu?

En effet, la tentation est grande, pour rechercher un langage recevable par tous, de gommer ce Christ qui dérange et de rester dans le domaine du spirituel vague dans lequel tous peuvent se reconnaître.

Un exemple parlant: en 2016, lors d’un colloque international de théologiens sur l’écologie, j’avais proposé, sous le titre «Christ dans la création», dix thèses pour une vision chrétienne de notre place dans la création.

Je mettais l’accent sur le fait que la foi chrétienne a constamment affirmé depuis 2000 ans que, par Jésus Christ, Dieu visite le monde et le touche avec tendresse.

Le Christ régénère le monde par sa présence vivifiante au cœur de la matière et l’Église, qui est son corps, participe à sa mission de Seigneur de la création qui est de «tout réconcilier avec Dieu» (Col 1,20) et de manifester sa gloire.

Après la conférence, un évêque orthodoxe est venu me dire sa méfiance vis-à-vis d’un discours théologique qu’on n’aurait pas pu tenir à la COP 21 qui venait d’avoir lieu.

Pour être compris par tous, il aurait fallu argumenter uniquement en termes de Dieu comme puissance créatrice, et de responsabilité des humains vis-à-vis des générations futures.

Mais cette absence du Christ ressuscité dans le discours ecclésial qui rendrait les choses plus faciles ne fait-elle pas l’impasse sur la foi?

La communauté chrétienne doit choisir si elle veut être une communauté croyante ou si elle se contente d’être une «communauté pieuse» (Bonhoeffer) ou encore pire une «ONG pieuse» (pape François).

«Face à l’inefficacité du langage explicatif, n’aurions-nous pas besoin d’un autre type de langage qui est celui du témoignage.»

On cherche à juste titre une lisibilité du message dans le monde contemporain.

Mais peut-on éviter la difficile réception d’un message que saint Paul déjà présentait comme une folie pour le monde.

Son discours aux Athéniens (Ac 17,22-34) est significatif. Ceux-ci reçoivent assez bien un discours déiste général, mais ils «quintent» comme on dit à Neuchâtel, quand Paul évoque la résurrection.

Il y a une dizaine d’années Gérard Daucourt, alors évêque de Nanterre, évoquait ceux qu’il appelait les athées pieux: «Ils défendent des «valeurs».

Ils s’engagent généreusement dans des combats pour lesquels ils font référence à la morale chrétienne. Ils participent à des rites chrétiens.

Mais la question demeure: croient-ils que le Christ est vivant, qu’il nous aime, qu’il nous sauve, qu’il nous attend pour une vie éternelle? Entretiennent-ils une relation avec le Christ?»

Cette dernière phrase est interpellante. Face à l’inefficacité du langage explicatif, n’aurions-nous pas besoin d’un autre type de langage qui est celui du témoignage.

Le témoin, en effet, au-delà des mots est celui qui laisse transparaître Celui qui l’habite et qui suscite son espérance et son agir dans le monde.

Thierry Collaud

10 avril 2024

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0